Autisme et gestion de la douleur

Idée reçue n°1 : les personnes avec autisme ne ressentent pas la douleur

Contrairement à certaines idées reçues, les personnes avec autisme, comme les personnes neurotypiques, ou encore les bébés, ressentent la douleur.

Souvent, ce qu’elles ne parviennent pas à faire, c’est identifier la douleur ressentie et la localiser. En effet, leurs moyens de communication ne sont pas toujours établis, ils diffèrent d’une personne à une autre et il est donc difficile pour elle d’exprimer leur ressenti.

Et même si des études laissent à penser que certaines personnes avec autisme auraient un seuil de tolérance à la douleur plus élevé que la norme, cela ne veut pas pour autant dire qu’elles y sont totalement insensibles.

En réalité, tout dépend du profil sensoriel. Les études ne permettent pas encore d’affirmer avec certitude que l’intensité des douleurs est ressentie différemment d’une personne à l’autre. En revanche, entre un profil hypersensoriel qui ressent et perçoit la douleur avec un seuil de tolérance moins élevé que chez certains neurotypiques (c’est-à-dire qu’il ressent la douleur de façon plus intense) et un profil hyposensoriel qui a des difficultés à identifier et ressentir la douleur et qui a probablement un seuil de tolérance plus bas, les comportements sont des signaux d’alerte qu’il faut savoir identifier pour les gérer au plus vite.

Par exemple : un enfant qui aurait un profil hyposensoriel (où on estime son seuil de tolérance à la douleur plus bas), qui tombe régulièrement mais ne se plaint jamais et n’exprime jamais de douleur. Le jour où l’enfant se met à pleurer ou présente un comportement qui change de ses habitudes, qui pointe une partie de son corps, on doit tout de suite envisager qu’il y a possiblement une forte douleur qu’il cherche à exprimer.

La douleur existe bel et bien chez les personnes avec autisme et peut générer des Troubles du Comportement parfois compliqués à comprendre pour l’entourage et les aidants.

Dans la vie en générale, pour les parents qui ont un enfant autiste ou non, la santé est un sujet de préoccupation au quotidien.

Notre enfant va-t-il bien ? Que puis-je faire pour l’aider ? Comment lui permettre de me dire ce qui ne va pas à sa façon ? Pour un enfant avec autisme, les questionnements sont les mêmes, mais les solutions pour communiquer sont bien plus restreintes.

Il existe beaucoup d’articles sur ce sujet que nous vous invitons à consulter dans la biographie à la fin de ce billet.

Nous avons voulu ici faire une synthèse pratique de ce qu’il faut savoir et faire en 4 étapes :

  1. Repérer
  2. Analyser et comparer
  3. Localiser et mesurer
  4. Traiter

Repérer : Les caractéristiques et les signes d’alerte

Tout d’abord, rappelons que chaque personne avec autisme a ses particularités et son mode de communication (verbal ou non verbal). Ceux-ci doivent bien évidemment être pris en compte dans les conseils qui vont suivre.

Parmi les caractéristiques (non exhaustives) qui peuvent permettre d’identifier des comportements face à des douleurs, on doit veiller à prendre en compte les spécificités sensorielles.
Bien connaitre ces spécificités permet de comprendre plus vite ce qui change dans les comportements de la personne.
Exemple : un enfant qui ne supporte que très peu les contacts physiques habituellement et qui brutalement demande des câlins, ou à se faire porter, ou inversement.

Qu’on observe des Troubles du Comportement 

  • Auto-agressifs : de l’ordre de l’automutilation (se taper la tête, se mordre la main…),
  • hétéro-agressifs  (tirer les vêtements, taper les autres, hurler…)
  • Autres : les troubles du sommeil, cris, perte d’appétit, comportements stétéotypés…

et à contrario l’absence de Trouble du Comportement (s’isoler, repli sur soi, mutisme…), tous ces changements doivent être pris comme des premiers signes d’alerte.

Une fois que l’on a repéré ces signes, comment s’assurer qu’ils sont la conséquence d’une douleur ?

Analyser : Comprendre les données et les comparer

Dans une approche comportementaliste (type A.B.A.) les données sont indispensables pour comprendre les comportements. Il existe plusieurs fonctions qui expliquent les comportements. Il est important de vérifier que les comportements observés ne sont pas des conséquences à certains antécédents (recherche d’attention, recherche de tangible, autostimulation, échappement à une tâche) avant d’essayer de savoir si l’antécédant n’est pas une raison de santé/douleur.

Une fois les fonctions écartées et pour analyser la douleur, il existe des échelles et des outils.

On les utilise pour collecter des données et les comparer afin de révéler d’éventuels  changements de comportement.

Deux exemples non exhaustifs d’échelles et outils pour tous :

  • La GED-DI (Grille d’Evaluation de la Douleur – Déficience Intellectuelle : de 3 ans à l’âge adulte. Pour des patients qui ne peuvent pas communiquer verbalement ou l’auto-évaluer. Basé sur un système de cotation allant de 0 à 3. Le score permet d’évaluer la douleur sans comparaison avec un comportement habituel. Son avantage :  elle peut être utilisée par des aidants qui ne connaissent pas la personne.
  • ESDDA (Echelle Simplifiée d’évaluation de la Douleur chez les personnes Dys-communicantes avec troubles du Spectre de l’Autisme) : A partir de 2 ans pour aider à rendre plus objective l’évaluation de la douleur. Cet outil est basé sur une comparaison entre les comportements habituels et les comportements repérés dans une éventuelle douleur. C’est également un système de cotation qui va déterminer un score qui doit être ensuite complété par un avis médical pour explorer les éventuels problèmes de santé. Son avantage : c’est une première échelle simple utilisable par tous.

Les outils des professionnels de la santé

Pour les enfants, les professionnels de la santé ont a disposition :

  • Une échelle d’auto-évaluation :
    Pour mesurer l’intensité de la douleur (échelle des visages, échelle des jetons, schéma corporel, échelle verbale simple, échelle numérique, échelle visuelle analogique verticale)
  • Une échelle d’hétéro-évaluation :
    Pour mesurer de façon quantitative et qualitative les différents aspects de la douleur, qu’elle soit aïgue, prolongée ou chronique.

Tous les outils ne sont pas des sources garanties, mais cela permet déjà d’alerter et de se rapprocher d’un médecin le cas échéant.

Localiser : Situer la source de la douleur

Pour les personnes avec autisme qui n’ont pas d’outils de communication adaptés, qui présentent de difficultés de compréhension ou avec un retard cognitif, il est difficile pour l’entourage, une fois la douleur repérée, de la localiser.

Un travail d’apprentissage en amont est nécessaire pour fournir à votre enfant les clés et les outils pour l’aider à localiser et exprimer sa douleur.

L’anticipation est la base de tout apprentissage. Il est difficile d’enseigner et de demander à un effort de cette nature à la personne lorsqu’elle est en situation de souffrance.

N’hésitez pas à vous rapprocher de votre équipe pluridisciplinaire et de la psychologue superviseur pour élaborer ces programmes qui nécessitent une adaptation aux capacités de chacun.

Voici quelques exemples d’apprentissages à mettre en place :

Pour développer la capacité à situer ou localiser les différentes parties du corps mais aussi à nommer des émotions :

  • Avec des objets : vous pouvez utiliser une poupée, une peluche, …
  • Avec auditeur (langage réceptif ou compréhension) : pour apprendre à discriminer des consignes. Exemple « montre-moi ton nez »
  • Avec du tact (langage expressif ou dénomination) : pour savoir nommer un item (ici les parties du corps)
  • L’appariement : pour être capable d’apparier deux images identiques (ici des parties du corps)
  • Apprentissage des émotions : vous pouvez utiliser des grilles présentant plusieurs smiley montrant différentes émotions de la colère, en passant par la tristesse, la joie jusqu’à la douleur.
  • In vivo : tirer profit des situations du quotidien pour nommer une émotion associée à une partie du corps (exemple : votre enfant tombe de son vélo, se fait mal au genou, pointer son genou en associant un smiley qui pleure et en disant « mal »)
  • La désensibilisation pour les examens médicaux :  travailler sur les étapes difficiles pour votre enfant grâce à des mises en situation pour lui enseigner les comportements adaptés lors des soins médicaux.

Tous ces exemples ne sont pas exhaustifs. Il existe une multitude de programmes d’apprentissage dont vous pouvez parler avec votre psychologue qui saura établir les objectifs.

Traiter : trouver les soins adaptés

Une fois la douleur repérée, qu’elle soit localisée ou non, rapprochez-vous du médecin ou du spécialiste.

On le sait, la désensibilisation aux gestes et à l’environnement médicaux, voire au corps médical, n’est pas toujours chose évidente ou possible. Ces situations peuvent être difficiles à gérer pour votre enfant, pour vous et pour le médecin. Pour préparer vos rendez-vous, Vous trouverez dans la biographie, un lien utile vers une Bande Dessinée qui est un très bon support visuel

Vous pouvez, avant le rendez-vous, contacter le docteur pour lui faire part des caractéristiques et spécificités du comportement de votre enfant afin de préparer la rencontre. Il sera plus évident pour le médecin qu’il soit sensibilisé à l’autisme ou non, particulièrement s’il ne l’est pas, d’anticiper les réactions éventuelles de l’enfant.

Pensez à lui indiquer les choses à éviter (ne pas trop parler, limiter les gestes au maximum…), à lui préciser, si c’est le cas, que vous viendrez avec un support visuel.

Bref l’anticipation, comme bien souvent avec les personnes avec autisme, c’est la clé. Même si certaines choses vous paraissent évidentes, les moindres détails ont leur importance.

Pendant le rendez-vous, expliquez bien les échelles utilisées pour arriver à repérer la douleur, vos hypothèses sur la localisation, tout ce qui permettra au médecin de poser un diagnostic et de proposer le traitement adéquat.

Comme on l’a dit, il peut être frustrant et inquiétant de ne pas savoir si votre enfant souffre. Appuyez-vous sur les outils dont on a parlé. Faites-vous confiance, vous connaissez votre enfant et votre observation et celle de l’équipe pluridisciplinaire restent votre meilleure alliée.


Biographie

https://pediadol.org/ged-di-grille-devaluation-de-la-douleur-deficience-intellectuelle-nccpc/

http://www.eps-etampes.fr/fileadmin/user_upload/fichiers/ESDDA.pdf

http://www.rhapsodif.com/rhapsodif/cms/10/accueil.dhtml

https://santebd.org/

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